Evaluation des biens et services produits par les écosystèmes

Étiage, l'Ibie à sec, Ardèche

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Evaluation des biens et services produits par les écosystèmes

21 décembre 2020 -
Évaluation des biens et services
Valeurs de l'environnement
La biodiversité, le fonctionnement des écosystèmes au même titre que les biens et services écosystémiques sont menacés par de multiples pressions associées aux activités humaines. Face à ces enjeux, et de manière à éclairer les décideurs en charge des politiques relatives à la biodiversité, il est essentiel de pouvoir évaluer l’état des écosystèmes et de leur fonctionnement.

Dans la lignée des travaux du Millenium Ecosystem Assessment du début des années 2000, qui ont insufflé une dynamique de reconnaissance de l’importance des biens et services écosystémiques, de nombreuses études ont été conduites afin d’évaluer la valeur économique des biens et services produits par les écosystèmes. Certains résultats sont déjà mobilisés par certaines politiques publiques comme la politique de l'eau avec la Directive Cadre sur l’Eau (DCE).

En France, l’évaluation des biens et services produits par les écosystèmes est aujourd’hui encadrée par l’évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (EFESE). 

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Le concept de « biens et services écosystémiques »

Le fonctionnement des écosystèmes permet aux sociétés humaines d'en retirer un ensemble d’avantages sous la forme de biens et de services dits « écosystémiques ». Ceux-ci traduisent le lien existant entre une fonction écologique d’un écosystème et l’avantage retiré par la société de celle-ci.

Eléments constitutifs d'un service écosystémique

Eléments constitutifs d'un service écosystémique

Ainsi, certains milieux humides constituent, de par leurs caractéristiques physiques, des champs d’expansion des crues. Lorsque les fleuves ou rivières débordent, ils favorisent le stockage de l’eau (1ère fonction écologique) et ralentissent les écoulements (2nd fonction écologique), assurant ainsi une régulation des débits dans le temps (service écosystémique).

Cela permet de limiter l’importance d’une inondation et des dommages matériels et humains qui peuvent en découler (avantage retiré par la société).

 

Le rôle de tampon hydrologique des milieux humides

Le rôle de tampon hydrologique des milieux humides

Les biens et services écosystémiques sont de diverses natures selon qu’ils existent en tant que tels sans intervention humaine (ex : régulation du climat par les écosystèmes forestiers, pollinisation des cultures par les insectes) ou qu’ils existent du fait d’une action humaine de récolte, de prélèvement, d’extraction (ex : prélèvement de poissons dans les océans, récolte de bois dans les écosystèmes forestiers) ou d’accès (ex : aménagement d’espaces de baignade, de parcours de randonnée).

L'usage d'un service écosystémique avec ou sans prélèvement peut nécessiter l’apport d’énergie, d’intrants, de technologie, de travail. Il résulte donc de la combinaison de travail et de différentes formes de capitaux (capital économique, humain, naturel).

 

L’état des écosystèmes a une influence sur la qualité et quantité des biens et services écosystémiques délivrés. Si l’état d’un écosystème se dégrade, sa capacité à fournir des biens et services s’altère, avec des conséquences néfastes pour ses bénéficiaires.

Par exemple, un cours d’eau dégradé par la présence de polluants pourra voir la biodiversité qu’il abrite se réduire et devenir ainsi moins intéressant pour une activité de pêche de loisir.

 

Les travaux les plus récents s’accordent sur la définition de trois familles de biens et services écosystémiques : 
 

Les trois familles de biens et services écosystémiques

Les trois familles de biens et services écosystémiques

La distinction entre les services écosystémiques et les services environnementaux

Une confusion est parfois faite entre « services écosystémiques » et « services environnementaux ».

Ces deux notions renvoient toutefois à des concepts différents. Les « services environnementaux » sont issus d’« interventions humaines qui contribuent à préserver les fonctions écologiques, c’est-à-dire à maintenir voire développer les services écosystémiques » (Duval et al., 2016).

Le terme met donc en avant l’ensemble des activités humaines qui réduisent la pression exercée sur les écosystèmes ou qui améliorent leur fonctionnement (par exemple, des pratiques d’entretien des cours d’eau, des modes de production moins néfastes pour la biodiversité).

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Une terminologie reconnue et permettant de favoriser le dialogue

L’importance des fonctionnalités des écosystèmes, ainsi que des biens et services qu’ils rendent, est reconnue mondialement depuis le début des années 2000.

Le Millenium Ecosystem Assessment, lancé en 2001 par le Secrétaire Général de l’ONU Kofi Annan, fut l’un des premiers travaux ayant permis d’insuffler une dynamique de reconnaissance internationale. Publié en 2005, plus de 1 360 experts ont participé à sa réalisation.

Ce travail témoigne de l’intérêt d’envisager les fonctionnalités écosystémiques et leurs liens avec le bien-être humain et les besoins en développement afin de « déterminer comment les changements écosystémiques influent sur le bien-être humain et de présenter de l’information sous une forme que les décideurs peuvent comparer à d’autres renseignements sociaux et économiques ».

L’approche développée par le Millenium Ecosystem Assessment souligne donc le lien entre la détermination des fonctionnalités des écosystèmes et l’évaluation économique des services rendus, dans la perspective d’une aide à la décision en matière de gestion de l’environnement et des ressources naturelles.

Plusieurs autres travaux internationaux et nationaux ont suivi tel que le rapport du TEEB (The Economics of Ecosystems and Biodiversity) de 2010 ou encore l’ouvrage sur l’approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes de Chevassus-au-Louis et al. publié en  2009. 

Dotés de cadres conceptuels spécifiques, ils ont permis de faire mûrir la réflexion sur les biens et services écosystémiques. Si la notion de service écosystémique fait l’objet d’un engouement croissant depuis la fin des années 1990, c’est parce qu’elle a permis de créer un langage commun et d’établir des ponts entre plusieurs disciplines scientifiques (économie, écologie, science de l’environnement, etc.). Elle facilite également le dialogue entre les différents acteurs, notamment scientifiques et politiques.

Infographie-langage commun

Pour les acteurs suivants, elle peut ainsi permettre d’envisager plusieurs utilisations :

   •    Forestiers, agriculteurs : rémunération d’actions de préservations de la biodiversité (services environnementaux)

   •    ONG de défense de la nature : promotion des solutions fondées sur la nature.   

   •    Décideurs : éclairage et justification d’arbitrages.

   •    Juristes : évaluation de préjudices environnementaux.

   •    Économistes : estimation des dégradations subies par l’environnement dans le but de les intégrer à des évaluations économiques.

   •    Écologues, agronomes : accompagnement de changements de pratiques.

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De nombreuses études de cas conduites en France

Dans les suites du Millennium Ecosystem Assessment, de nombreuses études de cas ont été conduites en France afin d’évaluer la valeur des biens et services produits par les écosystèmes. Celles-ci se sont notamment intéressées aux zones humides, dans l’optique de démontrer l’intérêt de ces espaces pour nos sociétés et d’endiguer les fortes pressions subies par les zones humides lors de la deuxième moitié du XXe siècle (artificialisation, assèchement, etc.).

Les évaluations commanditées par le Ministère en charge de l’Environnement et les Agences de l’eau ont ainsi permis de démontrer l’importance que recouvrent certains sites de tourbières, marais, lacs et rivières pour les populations en termes d’activités récréatives, d’extraction de ressources, etc.
 

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Des résultats déjà utilisés pour la prise de décision

Des résultats d’évaluations des biens et services écosystémiques font déjà l’objet d’utilisations dans le cadre de certaines politiques publiques. 

Dans le domaine de l’eau, certains résultats sont ainsi mobilisés pour la directive cadre sur l’eau (DCE) qui établit un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau. Imposant initialement aux Etats membres de l’Union Européenne l’atteinte du bon état de l’ensemble de leurs masses d’eau pour 2015, cette directive offre la possibilité d’obtenir des dérogations de délais à cet objectif, notamment pour des raisons d’ordre économique (moyens à mettre en œuvre exagérément coûteux pour être mobilisés sur la durée initiale).

Pour justifier ces dérogations de délais, des analyses économiques de type « coûts-bénéfices » peuvent être conduites. Ces analyses permettent en effet de comparer les coûts des mesures permettant d’atteindre le bon état sur une masse d’eau donnée, avec les bénéfices qui peuvent en être attendus. Parmi les bénéfices pris en compte dans les analyses coûts-bénéfices, des valeurs de biens et services écosystémiques produits par les zones humides ont été intégrées. 

En vue de ce 2ème cycle (2016-2021) de la DCE, le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) a publié une actualisation de son document « Évaluer les bénéfices issus d’un changement d’état des eaux » en 2014. Cette étude propose une synthèse opérationnelle pour évaluer les bénéfices au sein de ces analyses coûts-bénéfices (ACB). Elle référence notamment un ensemble de valeurs de bénéfices marchands et non-marchands propres à un changement d’état des eaux, mais également des éléments d’ordres qualitatifs, qui peuvent alimenter le débat au niveau local. 

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Des travaux cadres regroupés au sein du projet national de l’évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (EFESE)

Face à l’ensemble des études de cas et des travaux conduits dans le domaine de l’évaluation des biens et services écosystémiques, un projet national cadre a été initié en 2012 par le Ministère en charge de l’écologie : l’Evaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (Efese). Celui-ci regroupe un ensemble de travaux d’évaluation qui portent sur les écosystèmes et les services écosystémiques à différentes échelles.

L’Efese vise à construire des outils robustes et cohérents pour que les enjeux de protection et de conservation des écosystèmes et de la biodiversité soient perçus par l’ensemble des acteurs.

Elle fournit un appui à la stratégie nationale pour la biodiversité et à la stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable. Elle constitue par ailleurs une réponse aux engagements internationaux de la France vis-à-vis de la convention pour la diversité biologique et s’articule avec un ensemble d’évaluations menées à différentes échelles géographiques.

Le périmètre de l'Efese s’étend à l’ensemble des écosystèmes terrestres et marins de France métropolitaine et d’outre-mer. Il a été retenu d’organiser l’évaluation autour de six grands types d’écosystèmes :

Six types d'écosystèmes selon l'EFESE

 

Depuis 2016, les résultats des évaluations menées dans le cadre de l’Efese sont publiés régulièrement.

Consultez le dernier rapport publié par l'Efese.