Buildings on grass fiel near mountains
© F.Mittermeier de Pexels
N’étant pas tous impliqués dans des échanges marchands, ces services écosystémiques n’en ont pas moins une valeur aux yeux de notre société. Par l’intermédiaire d’un panel de méthodes, l’économie de l’environnement permet d’évaluer cette dernière.
Dans cette thématique
La biodiversité reste, bien souvent, un bien commun en accès libre pour tous. Cette caractéristique peut conduire à sa dégradation lorsque les comportements des individus se révèlent non-durables (dépôts de déchets dans la nature, surexploitation des ressources, etc). Ces comportements ont un coût pour la société. Ce coût est généralement peu pris en compte dans les activités économiques des responsables de ces dégradations.
Afin de corriger cela, et au même titre que les outils réglementaires (textes de lois par exemple), des outils économiques peuvent être mobilisés. Le rôle de ces derniers est de traduire la valeur de la biodiversité et des services écosystémiques en une unité de référence monétaire (euros, dollars, etc.), unité compréhensible par tous. À travers cet exercice, l’objectif est de faire en sorte que la biodiversité et ses services soient mieux pris en compte dans les décisions des acteurs publics et privés.
Il convient de noter que l’utilisation de ces outils économiques n’a pas pour objectif de créer des marchés de biodiversité. L’unité de référence monétaire est mobilisée pour montrer que la biodiversité à une valeur économique même si elle ne s’échange pas sur un marché.
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Prise en compte des valeurs pour l’environnement à différents niveaux
La traduction en unité monétaire de la valeur de la biodiversité et des services écosystémiques permet aux décideurs de disposer d’éléments d’arbitrages et de viser, in fine, la mise en œuvre de politiques publiques efficaces en matière de respect et de préservation de la nature.
La mobilisation d’outils économiques peut intervenir à différents niveaux :
- Elle peut faciliter la sensibilisation des différents acteurs (politiques, industriels, financiers, etc.) à l'importance de la biodiversité et des services écosystémiques en termes de bien-être pour nos sociétés.
- Elle peut permettre d’engager un processus de réflexion partagée et de dialogue entre les différents acteurs et contribuer à créer une culture et un diagnostic commun sur ces sujets.
- Elle permet d’apprécier les conséquences positives et/ou négatives pour la société de l’action des différents acteurs sur la biodiversité.
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La décomposition de la valeur économique totale
Le concept de valeur de l’environnement recouvre plusieurs dimensions. Donner une valeur à l’environnement nécessite donc de savoir précisément ce que l’on souhaite appréhender. Dans le domaine de l’économie de l’environnement, on distingue généralement les valeurs d'usages et de non usages, expliquées ci-dessous.
Cette répartition des différentes composantes de la valeur demeure théorique. Selon les cas de figures, l’horizon temporel ou en fonction de la perception, certaines composantes peuvent se rejoindre, se chevaucher ou se substituer les unes aux autres.
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Les méthodes d’évaluation permettant de révéler ces valeurs
Plusieurs méthodes d’évaluation monétaire permettent de traduire les valeurs de l’environnement en unité monétaire. Non exhaustive, la liste suivante détaille les méthodes les plus couramment utilisées.
a. Les méthodes basées sur les coûts de disparition ou de dégradation
Ces méthodes visent à analyser les coûts engendrés par la disparition ou la dégradation d’un bien environnemental :
1. / La méthode des coûts de remplacement va se focaliser sur l’évaluation du coût de remplacement du bien.
Par exemple, dans le cas de l’atteinte à la biodiversité, il s'agit d'estimer les dépenses nécessaires pour restaurer cette même biodiversité qualitativement et quantitativement ou pour reconstituer les services qu'elle rend.
2. / La méthode des coûts évités évalue le coût en cas d’absence du bien.
Par exemple, la valeur du service d’épuration des nitrates procuré par certaines zones humides peut être appréhendée par le montant des dépenses qu’entraineraient ces mêmes actions d’épuration contre les nitrates en station de traitement.
b. Les méthodes des préférences révélées
Les méthodes des préférences révélées vont s’appuyer sur des informations fournies par les marchés et/ou des comportements.
1. / Dans le cas de la méthode des coûts de transports, on évalue les coûts de transports engagés par les agents pour profiter du bien environnemental et la valeur du temps correspondant.
Par exemple, pour un site naturel, dont l’accès est non-payant, on chiffre les dépenses de carburant engagées pour se rendre au site. On y ajoute le temps qui est consacré pour s’y rendre afin de prendre en compte l’ensemble de l’effort consenti pour jouir du site naturel en question.
2. / La méthode des prix hédoniques (ou hédonistes) repose sur le fait que la valeur de certains biens, en particulier immobiliers, reflète en partie la qualité de leur environnement. On compare donc les prix de biens semblables en tous points, sauf en ce qui concerne leur environnement.
Par exemple, une partie de la valeur d’un cours d’eau situé en ville peut être estimée par la différence de prix entre un appartement offrant une vue sur ce cours d’eau et celui d’un appartement similaire mais n’offrant pas cette vue sur le cours d’eau.
c. Les méthodes des préférences déclarées
Les méthodes des préférences déclarées utilisent une situation fictive afin de pallier à l’absence d’un marché réel qui fixerait le prix du bien environnemental ou du service.
1. / La méthode d'évaluation contingente estime la valeur d'un bien environnemental par le biais d'un marché fictif, dit « contingent ». Après s’être vu présenter les caractéristiques du bien à évaluer, les individus sont interrogés sur la somme qu'ils seraient prêts à payer (consentement à payer) pour le préserver ou, a contrario, celle qu'ils seraient prêts à recevoir (consentement à recevoir) pour compenser une dégradation de celui-ci.
Par exemple, dans le cadre de la DCE et des mesures permettant d’atteindre le bon état, les individus peuvent être interrogés sur le montant qu’ils seraient prêts à payer pour pouvoir se baigner dans un cours d’eau actuellement trop dégradé pour permettre cette activité. Les résultats obtenus permettront d’estimer la valeur du cours d’eau liée à l’usage de la baignade.
2. / La méthode d’expérience de choix (ou d’analyse conjointe) fonctionne également sur le type de l’enquête, mais ne demande pas directement aux individus quel est leur consentement à payer ou à recevoir (contrairement à l’évaluation contingente). On demande aux individus de choisir parmi plusieurs scénarios composites au sein desquels le (ou les) attribut(s) que l’on cherche à isoler varie(nt). La personne interrogée choisit le scénario qui a sa préférence ou classe les scénarios par ordre de préférence. L'analyse statistique permet ensuite d'attribuer une valeur à chaque attribut du bien envisagé, et le cas échéant, en les sommant, au bien dans sa globalité.
Par exemple, dans le cadre d’une évaluation de la dimension paysagère d’un milieu humide, il est possible de construire un cadre de référence mettant en scène une dégradation du milieu en question et deux scénarios de restauration, l’un permettant de reconquérir les caractéristiques paysagères et l’autre ne le permettant pas. Des attributs de prix ou de coûts en lien avec cette possibilité de restauration sont présentés aux individus. Selon les choix que ces derniers opèrent, il pourra être possible de dégager une valeur qualifiant la dimension paysagère du site.
Ces méthodes ne sont pas interchangeables, ne captent pas nécessairement les mêmes composantes de la valeur d’un bien environnemental et peuvent conduire à des résultats contrastés.
Le choix des méthodes adaptées dépend de la nature du bien ou service environnemental considéré, de la disponibilité de données ou du temps imparti pour les mobiliser, des approches utilisées pour évaluer d’autres coûts et bénéfices dans le cadre d’une analyse plus globale et, parfois, de choix politiques.
Il revient donc à l’expert, et parfois au décideur politique, de choisir, dans une situation donnée, quelle méthode est la plus pertinente. Dans tous les cas, la présentation des résultats doit être assortie d’une explication des choix méthodologiques et des principales hypothèses, ainsi que d’une analyse de sensibilité sur les paramètres les moins robustes et les plus sensibles.