Plage et immeubles dans une ville
© Tyler Lastivich de Pexels
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Présentation de la méthode
La méthode des prix hédonistes consiste à comparer le prix de deux biens similaires en tous points, à l’exception d’une caractéristique environnementale. La différence de prix entre les deux biens correspond au prix implicite de la caractéristique en question.
Cette méthode permet donc d’isoler la valeur attribuée à cette caractéristique non marchande du prix du bien marchand. Elle est particulièrement adaptée au marché de l’immobilier.
Les principaux fondateurs de cette méthode sont K. Lancaster (1966) puis S. Rosen (1974).
Elle permet d’estimer les coûts et bénéfices associés à la qualité environnementale d’un lieu (pollution de l’eau, air, bruit,…) ou à des aménités environnementales (beauté d’un paysage, proximité avec un lac, la mer etc.).
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Les étapes de l'évaluation
1. / Collecte des données
La première étape consiste à collecter un ensemble de données sur une période déterminée. Les données collectées portent sur les ventes immobilières (prix, localisation, etc.), sur les caractéristiques du logement (taille, pièce, étage, année de construction, etc.), sur le quartier (taxe foncière, transports en commun, commerce, écoles, etc.), sur les caractéristiques environnementales (distance avec la mer, bruit, etc.).
2. / Élaboration du modèle
L’élaboration du modèle se décompose en deux étapes:
- La première consiste à déterminer la fonction de prix hédoniques qui détermine le prix de chaque caractéristique.
- La seconde, à établir la fonction de demande inverse qui permet d’expliquer ce prix selon les différentes variables du modèle.
Un bien « logement » Z est composé de k caractéristiques : Z(z1,… zi, …, zk).
Le consommateur a une utilité U(x,Z) où x représente un bien composite. C’est-à-dire un bien qui englobe tous les autres biens qu’il pourrait consommer.
Le prix du logement est noté P(Z). Le prix du bien x vaut 1 et est noté px.
La contrainte du consommateur est donc :
Le consommateur maximise son utilité sous contrainte de son budget. Cela équivaut à résoudre le programme suivant :
Les conditions du premier ordre permettent d’obtenir, pour chaque caractéristique, le taux marginal de substitution (TMS) par rapport au bien x.
Le TMS est égal au rapport des prix des deux biens. Le prix de x valant 1, le TMS équivaut au prix implicite de la caractéristique. À l’optimum, on obtient donc le prix implicite (pi) pour chaque caractéristique zi, y compris la caractéristique environnementale.
Le prix hédoniste de la caractéristique environnementale correspond à la disposition marginale à payer de l’acheteur pour cette caractéristique c'est-à-dire à ce qu’il est prêt à payer pour disposer d’une unité supplémentaire de cette caractéristique.
La fonction de prix hédoniste estime un prix implicite à toutes les caractéristiques dont la caractéristique environnementale. En revanche, elle ne donne pas d’information sur ce qui détermine ce prix. Pour cela il est nécessaire de déterminer, selon l’élasticité du marché, la fonction de demande ou de demande inverse pour la caractéristique environnementale.
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Les avantages et limites de la méthode des prix hédonistes
Les avantages
La méthode des prix hédonistes a pour avantage d’être basée sur des comportements réels (achat d’un bien immobilier) et non hypothétiques. Dans des situations hypothétiques, le consentement à payer de l’individu est généralement très différent de la réalité (biais hypothétique).
De plus, les informations sur les biens immobiliers sont souvent fiables, quoique pouvant être difficiles à collecter.
Les limites et biais
Un inconvénient de cette méthode est que, de manière générale, peu de biens sont identiques et que peu de caractéristiques environnementales peuvent être évaluées de cette façon. Elle ne peut donc être utilisée que dans certains cas bien spécifiques.
Pour pouvoir conduire une évaluation avec la méthode des prix hédonistes, il est indispensable de disposer d’un très grand nombre de données afin de réaliser une analyse économétrique pertinente. Ces données doivent également être complètes. L’ensemble des détails du bien doit être disponible. Par un exemple pour un bien immobilier, il faut sa surface, le nombre de pièces, sa localisation exacte, son exposition, etc.
Une autre difficulté est le choix des variables explicatives. Les résultats de la méthode dépendent fortement de la spécification du modèle. Un grand nombre de variables risque d’entraîner des soucis de colinéarité alors qu’un nombre trop faible ne permettrait pas d’expliquer correctement le prix du bien immobilier.
Cette méthode suppose également que le marché immobilier soit parfaitement concurrentiel (conditions de la « concurrence pure et parfaite »). C’est-à-dire qu’il respecte les conditions de parfaite information, de libre circulation, d’homogénéité des biens, etc. Hors, en réalité, ce n’est quasiment jamais le cas.
Enfin, il existe un biais de perception : il faut que les individus puissent percevoir le changement environnemental et la différence de qualité environnementale du bien ou du service concerné. Certaines dégradations de l’environnement ne sont pas directement perceptibles par le « consommateur ». Par exemple, une modification de la qualité de l’air ou de l’état de la biodiversité dans le parc voisin n’est pas toujours décelée par la majorité des usagers.
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Application dans le domaine de l'eau
Travers et al. (2008), ont mesuré par la méthode des prix hédonistes, la valeur résidentielle du littoral à partir de transactions immobilières réalisées en 2005 sur les côtes du Finistère. Cette valeur est mesurée via le consentement à payer des acheteurs immobiliers pour être plus proche du littoral et via leur consentement à payer pour bénéficier d’une meilleure vue sur la mer.
Leurs travaux ont permis tout d’abord de montrer que le littoral, au travers de la distance à la mer et de la vue sur mer, a une influence significative sur le prix des habitations, mais de manière distincte selon le marché considéré.
Ils ont, en effet, pu montrer une segmentation manifeste du marché entre les maisons à rénover et les maisons qui peuvent être emménagées immédiatement. Leurs résultats indiquent qu’il existe un consentement à payer pour une réduction de la distance à la mer donnée et que ce dernier varie en fonction de la distance initiale prise comme point de référence.
La mise en évidence de tels consentements à payer indique clairement que les ménages accordent au littoral une valeur résidentielle conséquente, valeur qui influence grandement le fonctionnement du marché local de l’immobilier. Elle indique donc qu’il existe bien un bénéfice à protéger ce littoral.
Les valeurs estimées dans cette étude
1. / La valeur de la vue sur la mer
Pour les maisons habitables, le consentement à payer marginal des ménages pour obtenir une vue sur la mer excellente par rapport à une absence de vue, est, concernant les valeurs moyennes de l'échantillon étudié, de 32 510 €, soit 21% du prix de vente moyen des maisons habitables.
Pour les maisons à rénover, le consentement à payer des ménages pour obtenir une vue sur la mer bonne ou excellente par rapport à une absence de vue est de 46 787€, soit 55% du prix de vente moyen des maisons à rénover.
Le fait d’avoir une bonne vue sur mer augmente le prix de 78% en comparaison d’une maison à rénover ne disposant d’aucune vue sur la mer.
2. / La valeur de la distance avec le littoral
Pour une distance initiale de l'habitation à la mer de respectivement 600m, 6 500m et 15 000m, le consentement à payer pour un rapprochement non marginal de 100m est respectivement de 1 318€, 207€ et 110€.
Pour un rapprochement de 500m, le consentement à payer est de respectivement 10 685€, 1 061€ et 557€. Le consentement à payer pour se rapprocher de la mer est d'autant plus élevé que la distance à la mer est initialement faible, toutes choses égales par ailleurs.
Source : Muriel Travers et al. (2008). « Évaluation des bénéfices environnementaux par la méthode des prix hédonistes : une application au cas du littoral », Economie & prévision 2008/4 (n° 185), p. 47-62.